De la posture managériale à l’imposture du manager

Publié le par Parti Pris

Posture managériale : expression du moment censée contenir et décrire un ensemble d’actions propices à l’exercice du management. Il a un problème de posture managériale, nous allons l’inscrire à cette formation afin qu’elle acquière une posture managériale

Certes, nous comprenons tous que ces phrases décrivent des lacunes et déplorent à minima un problème de compréhension, d’acceptation ou encore d’incarnation du rôle de manager. Pour autant, est-ce que la posture managériale, si tant est qu’elle existe vraiment, nous donne la clef ?

Pas de bonnes postures managériales, que des mauvaises !

Avant toute chose, pourquoi utilise-t-on cette expression uniquement pour parler d’une faiblesse ?

Quand un manager fait l’unanimité, quand il est suivi et respecté, on entend de lui alors une énumération de qualités : il est à l’écoute, il manifeste du respect pour les personnes, il sait les solliciter, les soutenir, etc. On entend plus rarement : Il a une excellente posture managériale. Cela serait même jugé péjoratif.

En revanche, quand il s’y prend mal, quand il n’est pas suivi, quand il n’est pas estimé par ses équipes, là, il doit avoir un problème de posture managériale.

N’est-ce pas faire bien peu de cas d’autres qualités plus rares que détient à coup sur le manager faisant partie de la première catégorie ?

Et n’est-ce pas simplifier à l’extrême le levier de progrès que doit actionner celui appartenant à la seconde ?

Ce serait quoi, au juste, une (bonne) posture managériale ?

Allez, pourquoi pas. Imaginons que les difficultés rencontrées par les managers soient solubles dans l’adoption de postures managériales.

Rappelons-en le principe :

POSTURE, subst. fém. : Attitude, position du corps, volontaire ou non, qui se remarque, soit par ce qu’elle a d’inhabituel, ou de peu naturel, de particulier à une personne ou à un groupe, soit par la volonté de l’exprimer avec insistance.

Cela fait envie, vous ne trouvez pas ?

Plus sérieusement, que pourrait-on obtenir dans le meilleur des cas ? A coup sûr, un manager en posture !

Un consultant m’a confié récemment que dans l’entreprise dans laquelle il intervient depuis plusieurs mois, il a appris à distinguer visuellement les managers des autres collaborateurs grâce à la manière dont ils se tiennent dans les espaces ouverts. Souvent adossés à un mur, une jambe fléchie de telle sorte que la semelle de la chaussure sert d’appui inférieur, une main dans la poche, l’autre pour faire signe aux interlocuteurs qui passent à proximité ou pour tenir un document pendant qu’ils parlent.

Un peu caricatural certes et limité à ce simple exemple, toutefois, il parait que c’est tordant à voir.

En fait, ce serait amusant si ce n’était pas dans le même temps le symptôme d’une perte de repère et de compréhension du rôle du manager qui n’a pourtant jamais été aussi stratégique pour les organisations.

Manager : c’est être ou paraître ?

Nous arrivons ici probablement au cœur de la question.

Rarement castés sur les qualités humaines, certes plus difficiles à mesurer que le niveau d’expertise, et aussi faute de patience (si l’on veut être parfaitement honnête, certains très bons managers ont mis des années à le devenir !), il est sans doute plus facile et plus rapide d’espérer des managers qu’ils « jouent » le rôle plutôt qu’ils ne l’incarnent authentiquement.

Méfions-nous à cet égard des kits de prêt à manager qui fleurissent ici ou là sur la toile en promettant des bonnes pratiques ou des modèles à reproduire. Ces vidéos, serious game et autres avatars, en dépit d’être une source d’inspiration possible peuvent aussi inciter à imiter, jouer la posture précisément et amener le manager à ne plus être lui-même, à risquer la caricature voire l’imposture.

Est-ce si compliqué d’admettre une bonne fois pour toutes que le sujet du management, en bonne science inexacte qu’il est, ne s’aborde pas à travers des boites à outils mais bel et bien par une vraie réflexion personnelle, une réelle remise en question et une connaissance particulière de soi-même.

Et enfin qu’attend-t-on des managers ?

Quand nous écoutons les DRH, les patrons, les collaborateurs de tous les horizons, on s’aperçoit qu’il y a quand même un consensus autour de la question.

Ils veulent des managers ; à l’écoute, qui sollicitent, qui creusent lors de leurs échanges avec les collaborateurs, sachant donner de la valeur aux sujets qu’ils confient. Ils veulent des managers qui décident, après avoir consulté, qui osent, qui donnent leur avis, qui prennent des initiatives et font preuve de courage, d’audace… Des managers qui font grandir en gérant leur présence, notamment pour laisser au mieux s’exprimer la compétence et l’expérience de leurs collaborateurs. Des managers qui sont dans la réalité, la prise en compte des risques liées aux situations particulières, inédites, etc.

Est-il nécessaire de continuer d’allonger cette liste pour comprendre qu’il s’agit bel et bien d’actions réelles, menées auprès des personnes, avec conviction et sincérité, sagacité et courage, clairvoyance et indulgence…

Aucune de ces actions ne peut être menée avec des postures, par définition figées, qui feraient plus la promotion d’une représentation du management à la façon d’une icône que la fluidité, l’adaptabilité et l’agilité attendues dans la pratique de ce métier.